Entretien exclusif : Hisseine Adamou Camara, le jeune Tchadien qui réclame une propriété intellectuelle détournée par le ministère de la Culture de son pays

Dans le milieu des festivals tchadiens de la mode et de la culture, le nom Hisseine Adamou Camara est connu de tous. Jeune ambitieux et laborieux, Hisseine Adamou Camara est couturier professionnel et initiateur du Festival de Mode et Traditions Tchadiennes (FESMOTT). Tout récemment, concepteur d’un nouveau projet de valorisation des différentes cultures des 23 provinces du Tchad, Hisseine s’est vu contraint de s’engager dans un bras de fer judiciaire avec le ministère du Développement touristique, de la Culture, et de l’Artisanat, accusé de détournement de son projet, Festival DARY. Initialement conçu par Hisseine Adamou Camara et présenté au ministère tchadien, Festival DARY a été unilatéralement récupéré par la ministre du Développement touristique, de la Culture, et de l’Artisanat, Madeleine Alingué, pour en faire de ce nouveau joyeux événementiel une institution permanente de l’État. NDJAMENA 24 revient dans cet entretien exclusif, sur les réclamations pesantes sur le Festival DARY, l’avenir du FESMOTT, et la vie professionnelle d’Hisseine Adamou Camara.

NDJ24 : Hisseine Adamou Camara, bonjour.  Vous êtes promoteur culture, initiateur du festival FESMOTT, pour les lecteurs et auditeurs qui ne vous connaissent pas encore, veuillez-vous présenter s’il vous plaît. 

HISSEINE A. CAMARA : Bonjour NDJAMENA 24. Je suis Hisseine Adamou Camara, Styliste-créateur de mode Tchadien, Prix du mérite du stylisme Africain lors du Festival de Mode et du Mannequinat Africain 2017. Président National du Collectif des couturiers professionnels du Tchad et Gouverneur-pays pour le Tchad de la Fédération des stylistes et créateurs de mode Africain (GX AFRICAN DESIGNERS). Titulaire d’un Master en Gestion Financière après des études en expertise comptable.

NDJ24 : D’abord, commençons par le Festival de Mode et Traditions Tchadiennes (FESMOTT). Quelles sont les inspirations qui vous ont poussé à lancer ledit événement ?

HISSEINE A. CAMARA : Déjà depuis quelques années après mes nombreux podiums à l’international, je me suis toujours confronté à un problème identitaire. Je me retrouve parmi les rares Tchadiens qui bougent, mais qui ne peuvent être distingués à travers le vêtement surtout dans les grandes soirées des nations, on est toujours assimilé aux Maliens avec nos boubous ou aux Soudanais avec le voile et aux autres citoyens du monde par nos autres styles. Et je me suis juré d’apporter ma pierre pour résoudre ce souci, car moi-même souvent, je m’enturbanne et je me fais assimiler aux Nigériens et aux autres habitants du Sahara.

Puis en novembre 2017, je prends part aux sommets des stylistes et de créateurs de mode Africains qui est notre rendez-vous annuel et tournant à Cotonou où tous les pays présents votent à l’unanimité pour organiser le prochain sommet au Tchad et faire de N’Djamena capitale de la mode africaine.

Maintenant pour répondre à la question de la mode tchadienne qui est restée non explorée et brute, nous avons eu pour challenge de la faire revivre en partant de sa source pour lui redonner vie. Nous nous sommes donc confronté à un problème d’archivage. Et c’est ainsi que nous avons commencé par faire des voyages d’exploration dans le Tchad profond afin d’explorer les différentes modes de vie des peuples : en habit, en coiffure, en parures et en style de vie afin de tout mettre dans un évènement unique et aller vers le raffinement puis la modernité et l’exportation. Ainsi, né le Festival de Mode et Traditions Tchadiennes (FESMOTT).

NDJ24 : Après le FESMOTT, vous avez aussi conçu un projet intitulé DARY, soit ‘mon village’ en arabe tchadien, mais le projet en question fut récupéré par le ministère de la Culture avec qui vous êtes engagé dans un bras de fer judiciaire, pourriez-vous nous faire un état de lieu à propos de cette crise ?

HISSEINE A. CAMARA : Dary et FESMOTT ne sont pas dissociables, car après nos voyages d’explorations nous avons commencé le travail de reconstruction des différentes cultures avec des images hautes définitions pour palier au problème d’archivage. Nous avons impliqué le ministère très tôt pour nous faciliter les démarches afin de construire un Tchad miniature à la Place de la Nation et nous faciliter l’accès aux différents peuples des régions. Mais aussi et surtout obtenir l’appui de l’État. C’est ainsi que nous avons commencé des études sérieuses sur les différents découpages administratifs du Tchad afin d’obtenir la représentation parfaite. Après ce travail, nous avons déployé d’ingénieurs et architectes pour nous réaliser la première architecture avec quelques cases échantillons.

Au début, au temps du ministre Djibert Younous, tout allait bien. Jusqu’à ce que Madeleine Alingué arrive, entre en contact avec nous, prends connaissance du projet et de l’avancement du projet et dresse une situation d’antagonisme à tout le boulot, bloque le parrainage et l’obtention des autorisations.

Nous, avec plus de 50 invités qui devraient arriver pour le sommet venant d’Afrique, d’Asie et d’Europe, on se trouvait acculé et nous étions obligés de frapper directement à la porte de la présidence.

Dérangé par nos correspondances multiples, le Président nous demande de repartir vers le ministère de la Culture pour l’atteinte de nos objectifs. Alors que là-bas, tout était déjà verrouillé. Notre communication prend le coup. Après avoir insisté du côté de la première dame, elle nous accorde le parrainage. Et ce, en ce moment que notre ministre sort de son silence et viens avec le Cabinet WEDECIDER comme conseil, et nous exige donc de tout donner jusqu’au déroulement des évènements. Après, on nous exige de tout organiser au Radisson Blu et en une soirée et de supprimer tout le reste. Le Festival de 8 jours fut réduit à trois jours dont un jour pour les formations, un jour pour le sommet et un soir pour toutes soirées de la modernité et de mode.

Et trois semaines plus tard la ministre annonce tambour battant l’organisation du Festival Daar reprenant ainsi tout le boulot que nous avons abattu pendant des mois sans aucune reconnaissance. Et se dit légitime propriétaire. Daar devient alors Dary. Ainsi, nous avons déployé des huissiers pour faire le constat et préparer une assignation au fond contre l’État tchadien.

NDJ24 : Êtes-vous confiant de pouvoir défendre votre propriété intellectuelle en justice face au Gouvernement tchadien, qui plusieurs a été accusé de justice à deux poids deux mesures ?

HISSEINE A. CAMARA : Depuis le début des procès nous n’avons aucun bon témoignage pour ce qui concerne la justice tchadienne. Mais nous mettons l’État devant ses responsabilités. La Quatrième République était fondée sur la foi et la loi et nous y croyons jusqu’à ce que l’expérience nous prouve le contraire. Même si déjà les signes apparaissent, nous leur accordons encore le crédit de bien faire. 

NDJ24 : Le délibéré a été prorogé pour la troisième fois, pensez-vous que cela fait bon signe pour l’aboutissement du procès ?

HISSEINE A. CAMARA : Après le report des délibérés plusieurs fois par les juges, ça sent la peur de trancher et ils ont fini par vider le dossier sans aucun jugement disant que le dossier est mal fondé au fond. Du coup, on a interjeté appel pour un nouvel examen du dossier.

NDJ24 : Imaginons un scénario selon lequel vous n’obtenez pas gain de cause, avez-vous des stratégies et recours supplémentaires, voire internationales ?

HISSEINE A. CAMARA : Le dossier est carré, car il n y a pas un seul mot sans preuve vivante. Si c’est le cas, nous laisserons les instances internationales donner leur avis. Et j’espère que nous n’arriverons pas là. Mais déjà merci à l’ensemble de la presse privée grâce à laquelle même à l’international des grands cabinets nous ont contacté et se sont engagé à titre gracieux de nous aider tous frais payés par eux-mêmes.

NDJ24 : D’aucuns se méfient désormais de certains responsables du Gouvernement qui au lieu d’investir dans la jeunesse et l’encadrer pour la relève, préféraient utiliser celle-ci pour des profits personnels, faites-vous partie de ces jeunes dorénavant pessimistes vis-à-vis du Gouvernement ?

HISSEINE A. CAMARA : Je ne serai jamais pessimiste ni fataliste, mais quand on se fait mordre par un serpent on a peur même en présence d’une simple corde.

NDJ24 : Hisseine Adamou Camara, vous êtes couturier professionnel au Tchad, un secteur porteur, mais un peu encombré, comment parvenez-vous à vous distinguer de la compétition ?

HISSEINE A. CAMARA : La couture professionnelle au Tchad n’est pas du tout encombrée, car en réalité il n’y a pas des manufactures de vêtements à part celle des équipements militaires. Mais le prêt-à-porter chinois et les friperies dérangent énormément. Moi ma cible me cherche, car je produis des vêtements uniques.

NDJ24 : Des conseils à la jeunesse tchadienne et africaine ?

Travailler et ne pas se laisser abattre par les personnes sans expériences solides mais privilégiées appelées « papa m’a fait » ou « maman m’a faite ». Qu’ils (elles) aillent se faire former ou recruter d’expertises.

NDJ24 : Votre mot de la fin ?

HISSEINE A. CAMARA : Merci NDJAMENA 24

NDJAMENA 24 | Propos recueillis par Abdraman Kore | Édité par Fils du Tchad

2 commentaires sur « Entretien exclusif : Hisseine Adamou Camara, le jeune Tchadien qui réclame une propriété intellectuelle détournée par le ministère de la Culture de son pays »

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